Chap.4
Assise face à la fenêtre, Marie scrutait l’horizon. Rien dans le paysage ne lui rappelait la ville où elle avait grandi. Le club se trouvait dans une partie de Londres où aucun diplomate n’aurait emmené sa fille, à plus forte raison, Paul Drumont. Son père avait toujours été très protecteur envers elle, fidèle à la promesse faite à son épouse décédée quand Marie était enfant. D’Elisabeth Drumont, Marie ne se souvenait que de ses longs cheveux dorés et de sa voix. Quand elle était d’humeur chagrine, malade ou effrayée, sa mère la prenait souvent dans ses bras et serrée contre le sein maternel, la petite fille s’endormait au son des berceuses qu’elle lui chantait. Ce... type avait fait pareil. Pour calmer ses peurs, il l’avait prise contre lui et avait chanté d’une voix douce. Elle s’était serrée tout contre cet homme cherchant chaleur et protection et finalement s’était endormie. A son réveil, il n’était plus là. Il n’était pas revenu depuis.
Un cliquetis se fit entendre, quelqu’un déverrouillait la porte. On venait divertir l’oiseau. Jetant un coup d’œil autours d’elle, Marie jaugea sa cage dorée. La chambre était luxueuse sans pour autant que cela paraisse ostentatoire. Les murs bleu ciel auraient du rendre la chambre froide, si l’armoire, la commode et le guéridon ne lui avait apporté un peu de chaleur créant une ambiance presque féminine. Le lit trônait au centre et était couvert d’une couette en plume dans laquelle Marie s’enveloppait douillettement la nuit. C’était une chambre qui aurait volontiers pu abriter des amours conjugaux. La jeune femme imaginait, sans efforts, un couple vivant entre ses murs. Lui serait occupé à se préparer dans la salle de bain attenante pendant qu’elle se donnerait un dernier coup de peigne avant de partir travailler. Mais ce n’était qu’un mirage. Cette pièce faisait partie intégrante d’une maison close. Elle était la chambre réservée du maître des lieux et servait à présent de geôle.
Les premiers jours, elle avait été prise de violentes crises de claustrophobie, cherchant à s’échapper par tous les moyens. Elle avait pleuré, supplié, tempêté mais rien n’y avait fait. De désespoir, elle avait tenté de défoncer la porte mais n’avait réussi qu’à se blesser sérieusement à la main. La douleur avait été saisissante et s’était diffusée dans tout son bras. Pourtant, elle avait de nouveau tenté de fuir en forçant le verrou. La seule chose qu’elle avait réussie à faire, après des heures d’effort, avait été d’admettre qu’elle ferait une piètre cambrioleuse. Mais la jeune femme était tenace et se refusait à s’avouer vaincue échafaudant d’autres plans d’évasions. Puis, ce monstre était revenu et d’autres hommes avaient tenté de la violer. Aujourd’hui, savoir que la porte était fermée à clé la rassurait. Elle avait admis ne pas pouvoir s’enfuir, mais savait que s’il lui était impossible de sortir, personne ne tenterait d’entrer, du moins essayait-elle de s’en persuader.
Ce fut au moment où cette pensée traversa son esprit qu’un individu pénétra dans la pièce. Marie le reconnaissait, elle l’avait vu le jour de son arrivée. Il accompagnait l’autre... le monstre... celui qui l’avait enfermée ici. Comme son chef, il était richement habillé mais ne possédait pas cette autorité naturelle qui le rendrait impressionnant. Il aurait pu être qualifié de bel homme mais la folie qu’abritait son regard lui donnait un air étrange. D’instinct, Marie sut qu’elle devait se méfier pourtant, quelque chose lui disait qu’il n’était pas aussi dangereux que son supérieur.
- C’est donc toi Marie ! – déclara-t-il la gratifiant d’un regard dédaigneux- Je t’imaginais autrement !
Comme elle ne lui répondait pas, il s’approcha et comme son chef l’avait fait précédemment, pris son visage entre des mains.
- Et bien, tu as perdu ta langue ?
Il resserra un peu plus son étreinte lui comprimant la mâchoire. Il allait la lui casser, les os n’allaient pas tarder à céder. Mais on frappa à la porte et une femme entra.
Marie lui sourit. Sophia lui était apparue deux jours plus tôt l’informant que le chef l’avait mise à son entière disposition. Elle avait vite compris pourquoi la jeune fille avait été choisie. Elle parlait français. Un français très hésitant mais les deux femmes se comprenaient et Marie se sentait moins seule. Pavel se tourna vers elle et l’invectiva dans une langue que Marie ne comprenait pas.
-Qu’est-ce que tu fiches là toi ?
- Ko…kolia m’a demandé de prendre soin de Marie
- Nikolaï pour toi espèce de garce !
-Je ... je
- Ah tu m’agaces ! - ce disant, il la repoussa violemment - Occupe toi d’elle ! Il y tient !
- Ko…kolia m’a demandé de prendre soin de Marie
- Nikolaï pour toi espèce de garce !
-Je ... je
- Ah tu m’agaces ! - ce disant, il la repoussa violemment - Occupe toi d’elle ! Il y tient !
Elle était effrayée mais souriait quand elle s’adressa à Marie dans un français hésitant.
- Bonjour Marie
-Bonjour Sophia
- Je malheureuse Marie !
- J’ai vu ! Il est ignoble ce type ! C’est un pervers ! On le lit dans ses yeux !
Désirant réconforter son amie, Marie s’avança vers la jeune fille qui, malgré les circonstances, lui était devenue très proche. Sophia n’était pas une force de la nature, elle n’avait que la peau sur les os. Il était d’ailleurs fort probable que si elle lui avait été envoyée, c’est qu’en plus de sa capacité à parler une langue étrangère, elle n’était pas aux goûts de ses messieurs. La savoir malheureuse ou blessée inquiétait la jeune femme.
- Je suis désolée.
- Manger pas bon ?
- Pardon ?? Je ne comprends pas...
- Toi pas manger le poulet de moi.
- Oh ... Je n’ai pas faim Sophia.
-Toi être malade !?
- Excuse-moi, je te promets, je mangerai ce soir - Lui répondit Marie dans un éclat de rire. Puis plus grave - Sophia ? As tu fais ce que je t’ai demandé ?
- Oui
Si Marie avait compris qu’elle ne pourrait pas s’échapper seule, les autorités pouvaient venir la chercher. Elle avait donc chargée Sophia d’un message à remettre si possible au consulat français. La jeune captive retrouvait l’espoir.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire