lundi 17 mars 2008

La lumière de l'ange : partie 2



La chambre était différente, plus austère, moins luxueuse. Marie n’était plus dans une maison de passes, mais elle était toujours prisonnière. Elle s’était réveillée la veille, sans aucun souvenir de la semaine qui venait de s’écouler. Son sauvetage, sept jours plus tôt avait été qualifié de miraculeux par l’officier en charge de sa sécurité.


Plusieurs fois, des policiers lui avaient fait raconter son histoire. Elle leur avait parlé de Pavel, du club, de Sophia, de Nikolaï aussi. Elle leur avait avoué le viol et la nuit où elle s’était retrouvée entre les mains des autres russes. Elle aurait pu s’arrêter là, mais sans qu’elle ne sache pourquoi, elle leur avait raconté Nikolaï, sa gentillesse, ses promesses. Ils savaient tout ou presque. Elle s’était bien gardé de leur parler du dernier baiser, de la douceur de ses lèvres se posant sur les siennes et de l’expression douloureuse dans son regard quand il l’avait assommée.


La porte s’ouvrit sur une jeune femme policière. Elle souriait.
- J’ai de bonnes nouvelles pour vous ! Pour commencer, votre père est dans l’avion. Il devrait être ici ce soir et vous emmènera avec lui ! Vous serez libre !
- Merci … Et les autres ?
- Comment savez-vous qu’il y en a d’autres ?
- Quand on débute une phrase en employant "pour commencer", c’est qu’il y a une suite.
- Oh … Votre …comment s’appelle-t-il déjà ? Nikolaï ?
-Oui
Le cœur de Marie se mit à battre à la chamade. Anxieuse, elle attendit.
- Et bien il a été arrêté. Il est actuellement en salle d’interrogatoire.
Sous le choc, Marie du s’asseoir. Nikolaï était en prison.


************************


- Tu t’es fichu dans une sacrée merde tu sais ??


Depuis le bureau de Devon, Nikolaï regardait Londres. Marie était là quelque part mais son co-équipier avait refusé de lui indiquer où ils l’avaient mise en sécurité. D’abord irrité par ce refus, il en était à présent soulagé, elle était hors de sa portée.
- Nikolaï ??
- Excuse moi … Comment va-t-elle ?
- Bien, on ne peut pas dire qu’elle soit très chaleureuse ou reconnaissante mais elle va bien. Les bleus se sont estompés, on peut la rendre à son auguste papa.
- Parfait, elle va reprendre sa vie.


Il se tourna vers son ami et lui sourit.
- Et moi ? A quelle sauce va-t-on manger le vilain flic ripoux ?
- Je ne peux pas couvrir le viol
- Si je tombe pour viol, on ne sait pas qui prendra ma place… Enfin, on ne le sait que trop plutôt …


Le point de Devon s’abattit sur le bureau.
- Tu fais chier ! Tu crois que ton infiltration te donne tous les droits ? Tu crois que tu peux prendre les filles à ta guise ? Putain mais réponds-moi !
-

Va te faire foutre !
Nikolaï était sorti de ses retranchements, sa colère n’était pas feinte.
- Tu crois quoi ? Qu’il faut juste que je m’autoproclame chef de clan pour que tout le monde accepte ? Je dois faire mes preuves tous les jours Devon ! Tu m’entends tous les jours ! Mon abstinence devenait suspecte aux yeux de mes hommes, tu peux le comprendre ça ? Il fallait que ça change et je me suis servi dans le cheptel du bordel ! Maintenant, je ne pouvais pas savoir qu’elle était française !
- Tu as bien vu qu’elle était différente qu’elle ne ressemblait pas aux autres ! C’est la première chose que l’ont remarque ! Elle a une classe, une distinction que les autres n’ont pas ! Merde, on l’a vu même après l’avoir repêchée dans la Tamise ! Comment peux-tu me dire que toi, tu ne l’a pas ….
- Je ne l’ai jamais dit ! J’ai toute de suite vu qu’elle était différente ! Et c’est pour ça que je l’ai voulu elle …


Sa voix n’avait été qu’un murmure. Devon, circonspect, observait son ami. Quelque chose avait changé, l’homme avait pris le pas sur la machine mais pas comme le policier l’avait tout d’abord craint. Il n’avait pas cédé à l’appel de la chair, il était tombé amoureux. Derrière la colère, ses pupilles laissaient entrevoir de la douleur.
- Elle va bien Nikolaï - tenta de le rassurer Devon
- J’ai tout fait pour…. Bon et moi alors ? Je fais quoi ?
- Je n’ai aucune preuve contre toi, c’est ta parole contre la sienne. Je ne peux pas te retenir
- Parfait !! Oh par contre, j’ai besoin que tu me rendes un service !
- Quoi donc ?
- Frappes moi
- Pardon ??
- Frappes moi ! Si je sors d’ici aussi beau qu’à l’entrée, ils vont devenir soupçonneux !


Levant les yeux au ciel Devon ouvrit la porte.
- Allez sors d’ici avant que je ne sois réellement tenté de la faire
- Je ne rigole pas Devon ! Il me faut des bleus, le nez en sang… Par contre, les dents, essaie de ne pas les casser s’il te plait, j’ai horreur du dentiste.
- Nikolaï !
- Allez frappe ! Je mets mes mains dans le dos, je te promets de ne pas riposter ! Devon ne fait pas l’enfant !!


Le coup parti sans que Devon ne puisse se contrôler vraiment, la tête de Nikolaï bascula vers l’arrière. Quand il se redressa, son ami constata les dégâts. Le russe avait la lèvre fendue et un hématome n’avait pas tardé à se former autours de sa bouche.
- C’est tout se que tu es capable de faire ? On ne vous apprend pas à vous battre comme des hommes à l’école de police ?? Ca ne m’étonne plus que vous soyez obligé de travailler avec moi !


Un nouveau coup vint le frapper, cette fois-ci l’arcade sourcilière fut touchée et s’ouvrit, laissant couler un flot de sang.
- T’en as assez où il faut que je continue ?
- Ca va merci… Rahhh t’as bousillé ma chemise
- Il pisse le sang et tout ce qui l’intéresse c’est sa chemise ! T’en as pas marre de te faire raccommoder le visage ? D’ailleurs, il t’est arrivé quoi à la joue ?
- Marie s’est avérée moins angélique qu’elle n’en a l’air.
- Hein ?
- Elle m’a fracassé une carafe sur la tête.


Un long sifflement vint répondre à cette déclaration.
- Et elle est toujours en vie ??
- Quoique tu penses de moi, et peu importe ce que j’ai pu lui faire, jamais, tu m’entends, jamais je ne laisserai quelqu’un lui faire du mal.
- Je te crois. Elle doit avoir beaucoup de valeur cette petite.
-C’est un ange … - dit-il pour lui-même - Je peux partir ? Tu es soulagé ?
-Fou le camp avant que je ne te mette une véritable branlée !
- Dans tes rêves l’anglais !


Nikolaï ressorti libre du commissariat. Tous le méprisaient, mais il n’en avait cure, il faisait son travail rien de plus. Marie n’avait été qu’un dommage collatéral qu’il avait réglé du mieux qu’il avait pu. Sur le perron, il alluma une cigarette. Au même moment une Mercedes aux vitres teintée s’arrêta prés de lui. Les ennuis commençaient réellement. Il jeta son mégot, insensible aux récriminations du jeune policier en faction. Marie devait avoir une réelle valeur pour qu’en haut lieu, on décide de le punir. Il y avait de grande chance qu’elle soit la pièce maîtresse d’une opération dont il n’avait pas été mis au courant. Il dirigeait l’Europe et s’il avait été tenu à l’écart, il n’y avait que deux raisons possible, soit la partie se jouait directement en Russie où on n’avait pas besoin de lui, soit on se méfiait de lui au sommet. Dans le deuxième cas, il risquait de ne pas ressortir vivant de la prochaine confrontation. Instinctivement, il porta la main sur son cœur et ferma les yeux. La portière s’ouvrit, il s’engouffra dans la voiture.


**************
Dans le vol Paris-Londres, Paul Drumont s’impatientait. Il aurait du être soulagé, son précieux trésor allait lui être rendu, mais il culpabilisait. Quand à Moscou, il avait eu le choix entre se soumettre au chantage des geôliers de sa fille ou dénoncer la tentative d’assassinat, il n’avait pas été long à choisir la seconde hypothèse. La vie de Marie n’avait pas pesé lourd.
Une hôtesse vint lui proposer un rafraîchissement, il accepta un whiskey. Il avait besoin de force pour soutenir le spectacle de sa fille violentée par ces rustres. Mais plus que la souffrance de la jeune femme, c’était sa propre lâcheté qui le tourmenterait.


S’appuyant sur le dossier de son siège, il repensa à la dernière conversation qu’il avait eue avec le Président.


Il était entré dans le bureau présidentiel à Moscou de façon hésitante, presque sur la pointe des pieds.
-Il y a un problème Drumond ? - s’était enquit le Président
-Je le crains Monsieur
- Comment ça ?
- Et bien …


Un instant, Paul avait hésité mais l’impatience s’était alors inscrite sur le visage de son interlocuteur
- Je suis l’objet d’un chantage
- Un chantage ?? De quelle sorte ?
- La vie de ma fille contre celle du Président Russe


La suite avait consisté en un défilé de policiers, les russes avaient succédaient aux français et il avait du répéter plusieurs fois la même histoire, son histoire. Il avait reçu les félicitations des deux Présidents puis avait été oublié, laissé seul à ses regrets et ses peurs. Il avait rêvé d’elle, il avait vu ces hommes la battre et la violer. Il avait dans les oreilles ses cris de douleurs, ses sanglots aussi. Il fonctionnait tel un zombie, expédiant les affaires courantes mais pas des vies mais n’ayant aucune conscience qui s’agitaient autours de lui. Il n’attendait qu’une chose, qu’on lui annonce le décès de sa fille. Un jour, le téléphone avait sonné. L’appel venait de Londres, la police avait repêché le corps de Marie dans la Tamise. Il lui avait fallut un certain temps avant de réellement réalisé ce que son homologue londonien lui expliquait. Marie était en piteuse état mais elle était en vie. Elle avait été placée sous protection policière, nul ne pouvait l’approcher sans franchir un barrage de sécurité impressionnant.


Mais aujourd’hui, on allait la lui rendre, ils rentreraient tous deux à la maison. Une fois en France, il serait bien temps de lui parlait de sa trahison envers la promesse faite à Elisabeth.


**********


A Londres, Marie était tendue. Cherchant par tous moyens à trouver un peu de quiétude, elle avait décidé de se plonger dans un bain. Là, sous les chuchotements de la mousse, elle ferma les yeux. Son père était dans l’avion, il allait l’emmener. Elle retrouverait sa maison, son travail et ses amis. Comment parviendrait-elle à soutenir leurs regards ? Comment pourrait-elle faire face à son père. Elle donna un coup de poing rageur dans l’eau, elle n’y était pour rien. Elle n’avait pas demandé qu’on l’enlève, la viole et la jette dans la Tamise. Elle n’avait pas à s’excuser et on n’avait pas à lui faire de reproche. Le seul fautif était Nikolaï ! Heureusement, il était en prison maintenant. Elle espérait qu’il pourrirait en enfer !


Sortant de la baignoire, elle s’enveloppa dans un peignoir. Dans le miroir, elle croisa le regard d’une personne qu’elle ne connaissait pas. Elle avait son visage, ses yeux mais ce n’était pas elle. Elle n’avait jamais eu cet air revêche, elle était une rêveuse, une romantique pas cette femme qui criait vengeance. Nikolaï était en prison, il était allé à l’encontre de la loi, il ne pouvait être autrement. Mais aucun homme ne méritait de pourrir en enfer.


Elle se dirigea vers la chambre et la fenêtre. Il y avait un nombre considérable de voitures de police dans la cour de l’hôtel. Une berline noire y entra. Marie eu le temps d’apercevoir une silhouette qui lui était familière entrer dans le véhicule avant que celui-ci ne démarre en trombe. Marie avait le cœur battant, les mains moites. Elle venait de voir un fantôme. Elle venait de voir Sophia entrer dans cette automobile.

1 commentaire:

Catherine a dit…

Je te remercie pour m'avoir fait découvrir ton roman en amateur, ainsi que pour ta gentillesse et invitation à le lire en exclu sur Blue Moon.
Ta réponse à mes voeux était tombée un jour où tout allait mal pour moi et tu as été un petit rayon de soleil ce jour là. "La lumière de l'Ange".... J'aime à penser que ce fut un bon signe.
Je voulais que tu le sache et je voulais également te dire que tu as un vrai style, percutant. J'espère de tout coeur que tu continueras de cultiver ta différence et ton talent. Comme je te le disais souvent, tout le monde a un don caché et je suis heureuse que tu te sois trouvée. Ton inspiration n'en n'est que meilleure et je suis certaine que tu ne t'arrêteras pas à ce roman.
J'ai été très heureuse de pouvoir participer à la fameuse "Concourette" et de vous avoir retrouvé, Brigitte et toi, le temps de ces nouvelles, même si je sais que ma présence n'a pas dû être facile à vivre.
Je tenais également à te remercier, de ne pas m'avoir trop accablé pour tout ce qui s'est passé et pourtant, tu aurais toutes les bonnes raisons de le faire.
Voilà, je voulais juste venir une dernière fois poster un petit commentaire plus personnel et t'embrasser très fort en souhaitant une longue vie à ton blog.
Take care ma gamelle!