lundi 14 janvier 2008

La lumière de l'ange - Chp. 1





Soudain, la pièce dans laquelle résonnaient pleurs et gémissements se fit silencieuse. Des hommes descendaient les escaliers. Le sort de toutes les femmes présentes allait être scellé.
A l’instant même où Nikolaï entra dans la pièce, son attention fut attirée par une des nouvelles arrivantes. Assise sur le sol, recroquevillée sur elle-même et le visage éteint, elle représentait une énigme. Elle ne ressemblait en rien à ses partenaires d’infortune. Elle apparaissait plus âgée, plus femme et malgré son comportement craintif, semblait posséder une distinction innée.


La fatigue et la douleur avaient pris le pas sur la peur. Recroquevillée dans un coin de cette pièce trop richement décorée, elle attendait que son sort soit scellé. La jeune femme savait que sa vie dépendait à présent des hommes qui venaient de surgir et notamment de leur chef qui ne la quittait pas des yeux. Il avait fait une entrée royale. Sur son passage, les hommes s’étaient effacés et les femmes avaient soupiré. Il était doté d’un corps mince et musclé d’un visage découpé au couteau agrémenté d’yeux bleus acier et d’une cicatrice sous le nez qui attirait immanquablement le regard sur ses lèvres. Le tout lui conférait un air altier, très rude, mais malgré tout, il était bel homme. Elle pu entendre sa voix basse et faussement douce quand il s’adressa en russe à l’un de ses compagnons. Celui-ci avait l’air d’un fou. Virevoltant, il était lui aussi craint mais n’inspirait pas la même peur teintée de respect que l’homme au regard d’acier.
- Elles savent ce qu’elles doivent faire ?
-Elles le savent mon frère ! Elles savent aussi qu’elles sont dans le bordel russe le plus réputé de Londres ...
-Elles ont reçu leur dose ?
- Pas encore, ça ne saurait tarder.
- Ne donnes rien à celle-là et fais la monter- lui dit-Nikolaï en la pointant d’un doigt long, impérieux.
-Mais dîtes-moi, mon frère aurait-il enfin décidé de jouer les hommes ??
- Il semblerait, répondit-il. D’où vient-elle ?
- Ramassée au pays comme les autres.

D’un geste sec, Nikolaï lui fit comprendre qu’il attendrait l’étrange petite brune à l’étage. La chambre qui lui avait été réservée, bien que somptueuse, n’était pas d’un luxe ostentatoire et offrait un environnement moins agressif et plus apaisant que les tentures rouges et or du salon. Il prit place dans le fauteuil en cuir prés de la fenêtre et patienta. Il n’avait pas l’habitude de se servir des prostituées du club pour son plaisir personnel, mais cette fille avait quelque chose qui l’avait immédiatement attiré. Dans les escaliers, un bruit de lutte se fit entendre. La jeune femme semblait sauvage, Nikolaï ne pu réprimer un sourire. Quand ses hommes la firent entrer, sa singularité le frappa à nouveau. Il n’y avait rien en elle de comparable aux filles que son passeur lui ramenait habituellement. Il avait devant lui une véritable femme et non une adolescente à peine pubère. Elle était faite toute en courbes. Elle avait des seins, des hanches et pour la première fois depuis longtemps il désira ce qu’il avait devant les yeux. Sans bouger, il l’interpella :
- Viens ici !!
Comme elle n’obtempérait pas, il se leva et vint vers elle.

- Ton nom ? lui demanda-t-il.

La tension accumulée depuis plusieurs jours lui donnant un courage dont elle ne serait jusqu’alors pas cru capable, elle ne répondit pas, le regard détourné, une expression pleine de mépris figée sur son visage. Il répéta sa question, elle garda un silence obstiné. Elle ne vit pas la gifle partir. Le coup fut tellement fort qu’il la fit tomber sur le lit. Sans qu’elle ne puisse réagir, il vint s’installer sur elle rendant ainsi impossible toute tentative de fuite. La bouche de son agresseur s’abattit sur la sienne, tentant d’en forcer l’ouverture. L’occasion était trop belle, elle le mordit avec une rage désespérée. Elle eut presque un sentiment de plaisir en l’entendant gémir de douleur. Très vite, la réalité la rattrapa. Plaquée contre son corps, elle pouvait sentir son érection. Sa peur redoubla. Cet homme devenait son bourreau. Il allait la violer. Mais il était hors de question qu’elle se laisse faire, elle était déterminée à lui rendre la tâche plus difficile. Jusqu’à présent, les rares fois où Nikolaï avait voulu profiter des largesses du club, il s’était retrouvé face à des filles droguées ou tétanisées par la peur. Il n’avait jamais pris de plaisir dans ses échanges charnels. Il n’y avait aucune passion, aucun partage. De fait, dés qu’il le pouvait, il désertait cette chambre au profit de celles de femmes rencontrées à l’extérieur qui se donnaient sans contrainte, avec enthousiasme. Celle-ci se débattait tellement et avec une telle hargne qu’il ne put esquiver certains coups. Quand elle aurait compris qu’il était inutile de lutter mais bien plus agréable de participer, elle deviendrait la source de beaucoup de plaisirs dont il se délectait à l’avance. Pour l’heure, elle devait apprendre qui était le plus fort des deux. Il prit son visage dans sa main et lui dit :
- Tu es à moi maintenant. Tu es ici en Angleterre, on t’a fait venir, à toi de payer ta dette.

Tout en la maintenant fermement sur le lit, il déchira son corsage laissant apparaitre une poitrine généreuse qu’il caressa doucement. La délicatesse de son geste la surprit et la toucha bien plus qu’elle n’aurait voulu. Il déposa quelques baisers sur ses seins, en titilla savamment la pointe du bout de la langue, la faisant frémir d’excitation. Jamais encore, un homme ne lui avait fait connaître autant de sensations, juste avec la bouche.
- Sois gentille et réfléchis donc, -lui dit-il. Je vais faire de toi ma putain personnelle... Personne d’autre que moi ne posera les mains sur toi !

Ses paroles la glacèrent et le vague plaisir ressenti laissa place au dégoût, comme une vague qui la submergea. Chacune de ses caresses, chacun de ses baisers la révulsait et quand il passa la main dans son pantalon elle eut du mal à retenir un haut le cœur. Il lui dit quelque chose en russe qu’elle ne comprit pas. Enfin, il desserra son étreinte mais elle ne chercha plus à s’échapper. Cela était inutile, il la rattraperait. Au moins n’était -il plus violent. Bientôt, sans qu’elle ne sache comment il s’y était pris, elle fut nue. Il l’avait débarrassée de ses vêtements, maigres remparts à l’assaut qui ne manquerait pas d’arriver ...

Nikolaï était troublé. Il avait commis l’erreur de lever les yeux vers son visage. Il y avait lu dans son expression une telle détresse qu’il fut touché comme il ne l’avait plus était depuis Anna. A l’évocation de son amour perdu, un brusque mouvement de colère monta en lui et il pénétra la fille sans aucune douceur.
La douleur fut si atroce qu’elle ne put retenir ni son cri de douleur ni la supplique qui suivit et qu’elle fit dans sa langue maternelle, le français.
- S’il vous plait non !!

Ces quelques mots lui firent l’effet d’une douche froide, il la repoussa violemment et sorti précipitamment du lit, la fixant d’un air incrédule.
-Tu n’es pas russe ! Vociféra-t-il

Le visage ravalé de larmes silencieuses, elle acquiesça de la tête. Il s’adressa alors à elle dans un français impeccable.
- Tu es française ??
- Oui. Que fais tu ici ?
- On ne m’a pas vraiment laissé le choix.
-Tu veux dire que tu as été enlevée ? Il poussa un juron, fit les cent pas. Tu ne devrais pas être là !
- Pourquoi ? Ai-je plus de valeur parce-que je suis française ??
Il planta les yeux dans son regard et ce qu’il y lut l’impressionna. Malgré sa captivité et sa nudité, elle le défiait. Cette fille avait du cran, elle lui plaisait. Mais qu’allait-il faire d’elle ? Il ne pouvait pas la garder mais ne pouvait pas non plus lui rendre sa liberté. Peu de solutions s’offraient à lui et la plus évidente le répugnait. Découvrir sa nationalité l’avait réellement perturbé, il allait et venait dans la pièce jouant nerveusement avec son chapelet. Tel un félin, ses muscles se mouvaient et se devinaient à travers sa chemise. Choquée et dans un état de léthargie, elle ne le vit pas s’approcher. Il s’agenouilla devant elle et lui caressa doucement la joue.
- Je ne sais pas encore ce que je vais faire de toi. En attendant tu vas rester ici. C’est ma chambre, personne d’autre que moi n’a le droit d’y entrer. Tu es en sécurité.
- Pourquoi ?
-Tu me plais… Dis-moi quel est ton nom …

Surprise par le ton de sa voix, elle leva les yeux vers lui. Son visage avait changé. Il n’était plus le même. La machine avait laissé place à un homme.
-Marie ...
- J’aime beaucoup.

Puis après lui avoir déposé un baiser sur les lèvres, il sorti de la pièce la laissant dans un état de confusion le plus total.
Quand il vit Nikolaï descendre les escaliers, Pavel fut frappé par son air contrarié. Il n’aimait pas que son ami ne soit pas pleinement satisfait. Il avait mis longtemps avant de faire usage des avantages du club et qu’il s’en détourne à nouveau à cause d’une prostituée récalcitrante lui déplaisait au plus au point.
- Elle ne t’a pas satisfaite ? Tu veux qu’on lui apprenne qui est le maître ici ?
-Et qui est le maître Pavel ? s’enquit Nikolaï sur un ton qui n’appelait qu’une réponse brève et honnête.
- Toi Kolia...

Nikolaï savait que Pavel souffrait d’un complexe d’infériorité envers lui et sentant son besoin d’être rassuré, il lui dit avec un sourire taquin :
- Ne laisse personne s’approcher de cette chambre. Cette fille est à moi et à moi seul d’accord ?
-C’était bien alors ?
- Très bien.
- Tu me laisseras regarder la prochaine fois ?
- Laisses-moi l’apprivoiser d’abord, ensuite tu assisteras au spectacle.
- Nikolaï, tu ne vas pas tomber amoureux dis-moi ?
- D’une pute ?? Pavel, pourquoi irai-je m’amouracher d’une putain alors que les beautés de ce monde ne demandent que moi ?

Rassuré sur l’humeur de son chef, Pavel sourit à nouveau. Les deux hommes sortirent du club. Une pluie fine vint s’abattre sur eux. Nikolaï n’aimait décidemment pas Londres. Il avait été élevé dans un pays où l’on savait combattre un froid inhumain glaçait le sang. Ici tout n’était qu’humidité. Une berline de luxe s’avança vers eux, un chauffeur en descendit et leur ouvrit la portière. Pavel envoya un coup de poing amical dans l’épaule de Nikolaï avant de s’engouffrer dans la voiture.
- On en fait du chemin toi et moi hein ?? Se souvint son second avec une nostalgie mal dissimulée.
- Je ne suis plus le chauffeur, lui rappela Nikolaï, laconique.
-Vodka ?
-Pas l’après midi Pavel.
- Et bien moi oui ! Alors racontes moi ...
-Pas maintenant ...d’un ton qui n’appelait aucune réponse.
Ce faisant, il posa la tête sur l’appui-tête et ferma les yeux. L’image de la jolie française s’imposa à lui. Qu’allait-il faire d’elle ? Il ne pouvait la garder. Elle n’était pas russe et quand les français apprendraient qu’il détenait une leurs compatriotes, Interpol aurait vite fait de débarquer. Peu de solutions s’offraient à lui. Il devait la tuer, ou la libérer. Mais libre, elle serait un danger pour lui, pour elle aussi. L’assassiner et faire disparaitre son corps voilà ce qu’il savait et devait faire, il avait longtemps été le fossoyeur de leur réseau, quand il ne dirigeait pas encore les affaires. Il soupira. C’était décidé, il la tuerait... demain ...

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