Chap2.
A peine eut-il fermé la porte que Marie eut une nausée qu'elle ne put contrôler, tout juste eut-elle le temps de trouver la salle de bain. La tête penchée au dessus de la cuvette, elle fut prise de sanglots. L'aplomb qu'elle affichait quelques instants auparavant l'avait quittée et elle était maintenant nue sur le carrelage, tremblante de peur et dégout. Ce salop l'avait violée. Il l'avait blessée, salie.
Elle ne voulait pas rester ici à la merci d'un souteneur. Elle ne voulait pas devenir sa chose. Il fallait que son père la retrouve. Mais il était loin et devait se ronger les sangs pour elle. Paul Drumont lui avait demandé de ne pas venir le rejoindre en Russie, le pays était selon lui trop dangereux. Mais il lui manquait tant qu'elle avait fait la sourde oreille à ses mises en garde. Les évènements lui avaient donné raison. Elle n'était pas à Moscou depuis plus de deux jours qu'un homme l'avait abordée dans un restaurant. Ensuite, ses souvenirs étaient confus, elle n'avait réellement repris ses esprits que quelques heures auparavant en arrivant dans ce bouge.
La jeune femme avait froid, il fallait qu'elle se lève et prenne une douche. Non pas de douche, elle ne pourrait pas prouver … mais prouver quoi ? Il y avait très peu de chance que l'on vienne la sauver et que tout redevienne comme avant. Sa vie ne lui appartenait plus désormais.
Elle se traina jusqu'au bac de douche où elle laissa couler l'eau chaude espérant effacer toutes traces de l'étreinte de son agresseur. Pourquoi n'avait-il pas choisi une des autres filles présentes dans la salle. Pourquoi ne lui avait-elle par parlé plus tôt ? Il avait eu un mouvement de rejet quand elle s'était adressée à lui dans sa langue maternelle. Si elle l'avait fait avant qu'il ne la déshabille, elle n'aurait pas subit ses assauts. Mais elle n'avait rien dit, elle s'était tue. Peut être que finalement, elle avait voulu ce qui s'était passé, sinon comment expliquer ce qu'elle avait ressenti quand il s'était fait plus doux ? Elle ressenti du plaisir quand il avait posé sa bouche sur sa poitrine. Elle avait aimé ses caresses et elle ne savait comment elle aurait réagit s'il ne lui avait pas parlé en ces termes si dégradants.
L'eau était froide à présent et Marie frigorifiée. Elle coupa la douche et parvient à se relever. Elle se couvrit d'un peignoir et osa enfin affronter son reflet dans le miroir. Elle n'avait pas changé, elle était toujours la même. Ne serait-ce la fatigue, personne ne verrait ce qui lui était arrivé. Elle avait de grosses cernes noires sous les yeux. Une chape de plomb lui tomba soudain sur les épaules. La tension retombait. Elle avait besoin de dormir, d'oublier.
Epuisée, la jeune femme s'allongea dans le lit. Elle effleura, alors, sa bouche du bout des doigts. Avant de partir, il l'avait embrassée comme aucun n'homme ne l'avait encore jamais fait. Ses lèvres s'étaient faites douces et tendres. Ce baiser aurait pu être celui d'un amant, il était celui de son bourreau. Elle fut prise d'une nouvelle crise de larmes. Elle ne méritait pas ça. Elle n'aspirait qu'à une vie tranquille, un travail plaisant, un mari, une famille …
Que restait-il de ses rêves ? Fermant les yeux, elle fit apparaître l'image de la vie telle qu'elle l'idéalisait. Elle vit la maison ancienne et le lierre grimpant jusque sous le toit. Elle entendit les cris des enfants, ressentit la joie et l'amour d'un foyer. Comme à chaque fois, elle se dirigea vers une pièce qu'elle savait magnifique. Elle ouvrit la porte et entra dans la bibliothèque. Les rayonnages étaient pleins, un feu crépitait dans la cheminée. Elle savait qu'il était là. L'homme de ses rêves attendait dans un des fauteuils qu'elle vienne le rejoindre et se blottir contre lui. Alors il prendrait un livre et lui lirait à voix hautes quelques pages avant que détendue, elle ne s'endorme en sécurité entre ses bras.
Pourtant, il y avait quelque chose de différent aujourd'hui, son histoire ne dégageait pas la même impression que d'habitude. Et soudain, elle sut. En posant les yeux sur les mains de l'homme que la tenait blottie contre lui, elle vit les tatouages. Elle ne connaissait qu'un seul homme ainsi tatoué. Elle leva la tête vers lui et son regard croisa celui bleu acier de l'homme qui venait de la quitter.
Elle se réveilla dans un cri. Elle voulait qu'il sorte de sa tête, elle voulait qu'il sorte de sa vie !
*******************************************
De son bureau Paul Drumont avait une vue magnifique sur Moscou. Si jusqu'à ce jour, il avait toujours pris du plaisir à laisser son regard vagabonder sur la capitale russe, le cœur n'y était plus. Sa fille chérie, sa Marie avait disparu. Personne ne l'avait vue depuis ce déjeuner avorté entre père et fille. Ce jour-là, il avait été retenu par un rendez qui s'était prolongé et était arrivé en retard à leur rendez-vous. Elle n'était déjà plus là. A sa place, il avait trouvé la carte publicitaire d'un restaurant londonien.
Il n'ignorait pas à qui appartenait cet établissement, ni même ce qu'il recelait. Marie était entre les mains de la plus puissante organisation mafieuse russe au monde. Il n'arrivait pas à comprendre les raisons pour lesquelles, ils l'avaient enlevée. Elle n'avait rien en commun avec les filles qui leur servaient habituellement de proies. Ils recrutaient leurs prostituées chez les très jeunes femmes en quête d'une vie meilleure, sans soutien, pauvres et isolées, pas chez les touristes, encore moins chez les filles de diplomates.
Cette carte devait vouloir dire quelque chose. Il était à peu prés certain que les ravisseurs avaient voulu lui laisser un message mais il était bien incapable de le déchiffrer. En attendant, Marie était certainement en route pour le Royaume-Uni. La pensée de la savoir dans une maison close, le terrifiait.
*******************************
Devon Finlay détestait les cirques. Il n'avait jamais compris le plaisir que l'on pouvait retirer à voir des chiens sauter dans des cerceaux ou des hommes risquer leur vie dans des numéros repoussant de plus en plus les limites de la gravité. Le pire, pour lui, était la ménagerie. Tous ces animaux malodorants lui donnaient mal au cœur. Ivanov le savait et avait certainement fait exprès de lui donner rendez-vous ici. L'homme était devant la cage de la panthère et comme elle, il semblait être aux aguets. Tel un félin, Nikolaï Ivanov était toujours sur ses gardes. Finlay ne se rappelait pas l'avoir vu détendu. Il s'approcha de lui.
- Pourquoi avoir appelé?
- De nouvelles filles sont arrivées aujourd'hui - lui répondit le russe - Il y avait une surprise dans le lot.
- Quel genre?
- Du genre française
- Merde! Qu'est-ce qu'elle fait là?
- Je n'en sais rien mais quelque chose me dit que sa présence n'est pas le fruit du hasard. J'essaierai de me renseigner. En attendant, je voudrais que tu vois de ton côté si un avis de recherche a été lancé.
- Quel est son nom?
- Je ne connais que son prénom. Elle s'appelle Marie. Elle m'arrive à peu prés au niveau des épaules, elle est brune. Elle doit avoir entre 25 et 30 ans. A mon avis, elle vient d'une famille aisée, elle a de l'éducation, elle parle au moins l'anglais couramment.
- C'est tout??
Nikolaï marqua un temps d'arrêt. Il tira nerveusement sur sa cigarette et la lança sur le sol avant de l'écraser.
- Elle a comme une ligne de grains de beauté sur le flanc gauche.
- Tu l'as déjà mise sur le marché? Merde une française! Comme si on avait déjà pas assez de mal à garder Scotland Yard loin de toi, maintenant, c'est Interpol qui va s'y mettre! Il ne faut absolument pas que les français apprennent que tu tiens une de leurs compatriotes !
Nikolaï ne lui répondait pas, Finlay se raidit d'appréhension. Il savait que son partenaire jouait depuis longtemps à l'équilibriste, qu'il pouvait à tout moment lâcher la corde. Ce qu'il entendit lui confirma ses pires soupçons.
- Je l'ai violé
- Putain Nikolaï!! Qu'est ce qui t'a pris?
- Je l'ai voulu.
- Tu ne me feras pas croire ça! Je te connais, tu n'es pas du genre à sauter sur ces filles
- A Rome, on vit comme les romains. Trouves qui elle est! Je veux savoir d'où elle vient et qui sont ses parents !!
- Quand tu le sauras, que feras-tu?
- La garder ou la tuer
Sans ajouter un mot, Nikolaï pris congé du policier. Cette Marie était comme une épine profondément plantée dans sa peau. Il ne parvenait pas à la chasser de son esprit. Il avait en tête son expression de détresse et dans les oreilles, son cri de douleur. Jusqu'à présent, il avait pris soin de rester à l'écart des filles qu'on lui ramenait mais il n'avait pas su la tenir hors de portée, il l'avait voulue et l'avait prise sans état d'âme. Depuis elle l'obsédait.
Finlay garda cette conversation longtemps en mémoire. Son ami l'inquiétait. Il marchait sur une corde raide, prêt à tomber. Devon savait qu'il était pour Nikolaï son seul lien avec la réalité. Tout les séparait, pourtant, ils étaient très liés. Si l'un était commissaire, marié et père de famille, l'autre s'était enfermé dans une solitude de plus en plus profonde à mesure qu'il grimpait les échelons de la mafia.
Nikolaï était arrivé de Moscou dix ans plus tôt. A 35 ans, il avait passé la majeure partie de sa vie en prison ainsi que l'attestaient les nombreuses marques sur son corps. Il y avait fait son premier séjour à l'âge de 15 ans, et ce qu'il y avait vécut l'avait tellement marqué qu'il avait accepté d'entrer dans ce qui était encore à l'époque le KGB. Devon n'avait jamais su ce qui avait conduit son ami à faire ce choix, son dossier n'en parlait pas. Grâce aux contacts qu'il s'était fait lors de ses diverses incarcérations, Kolia avait rencontré Pavel et s'en était fait apprécier.
Pavel était un de ces hommes inconscients et sadique nécessitant une attention constante. Très vite Nikolaï avait su se rendre indispensable et lorsque le jeune chien fou était rentré en Angleterre à la demande de son père, il avait emmené son nouvel ami. Nul ne savait quelles étaient réellement les relations entre les deux hommes et Devon qui n'était pas du genre à se mettre volontairement en danger, s'était toujours bien gardé de le lui demander.
Le dévouement de Nikolaï pour son métier n'avait jusqu'ici faibli qu'une seule fois. En Angleterre depuis quelques mois, il avait rencontré Anna. Celle-ci était la fille d'un restaurateur, elle était belle, blonde et très slave. Elle avait toujours le sourire aux lèvres et une attention pour ceux qu'elle rencontrait. L'amour de Kolia pour la demoiselle était entièrement réciproque. Ils avaient des projets et le jeune homme avait envisagé de tout quitté pour recommencer sa vie aux côtés de la femme qu'il aimait. Mais ses supérieurs ne l'avaient pas entendu de cette façon. Nikolaï était un élément indispensable dans la lutte contre le trafic de femmes auquel se livrait la mafia russe. On sacrifia la jeune russe. Une nuit, alors qu'elle venait de finir sa journée de son travail, elle fut enlevée. Nikolaï la chercha de longues semaines mais finit par céder au découragement. Anna avait été envoyé très loin de lui, trop loin.
Il sembla accepter son sort et devint encore plus déterminé à faire tomber Youri, le puissant père de Pavel. Quand il y parvint, il n'y avait pour lui plus aucun retour en arrière possible. Il dirigeait à présent la pègre tout en la sabordant de l'intérieur. Malheureusement, Anna avait emmené son âme en disparaissant et Nikolaï tel un damné commençait à devenir comme ceux contre lesquels il était sensé lutter. Récemment, Devon avait retrouvé la trace de la jeune femme. Elle était mariée avec un américain et mère de famille. Elle semblait heureuse. Quand il l'avait révélé à son ami, rien dans son expression n'avait donné le moindre signe de mécontentement ou de soulagement. Nikolaï était resté impassible. Nikolaï était devenu un maître de l'impassibilité. Mais aujourd'hui, tout avait changé, l'homme avait pris le pas sur la machine. Il avait commis l'impardonnable et s'en était pris à une jeune innocente. Devon ne pouvait ni ne devait cautionner un tel agissement.
A peine eut-il fermé la porte que Marie eut une nausée qu'elle ne put contrôler, tout juste eut-elle le temps de trouver la salle de bain. La tête penchée au dessus de la cuvette, elle fut prise de sanglots. L'aplomb qu'elle affichait quelques instants auparavant l'avait quittée et elle était maintenant nue sur le carrelage, tremblante de peur et dégout. Ce salop l'avait violée. Il l'avait blessée, salie.
Elle ne voulait pas rester ici à la merci d'un souteneur. Elle ne voulait pas devenir sa chose. Il fallait que son père la retrouve. Mais il était loin et devait se ronger les sangs pour elle. Paul Drumont lui avait demandé de ne pas venir le rejoindre en Russie, le pays était selon lui trop dangereux. Mais il lui manquait tant qu'elle avait fait la sourde oreille à ses mises en garde. Les évènements lui avaient donné raison. Elle n'était pas à Moscou depuis plus de deux jours qu'un homme l'avait abordée dans un restaurant. Ensuite, ses souvenirs étaient confus, elle n'avait réellement repris ses esprits que quelques heures auparavant en arrivant dans ce bouge.
La jeune femme avait froid, il fallait qu'elle se lève et prenne une douche. Non pas de douche, elle ne pourrait pas prouver … mais prouver quoi ? Il y avait très peu de chance que l'on vienne la sauver et que tout redevienne comme avant. Sa vie ne lui appartenait plus désormais.
Elle se traina jusqu'au bac de douche où elle laissa couler l'eau chaude espérant effacer toutes traces de l'étreinte de son agresseur. Pourquoi n'avait-il pas choisi une des autres filles présentes dans la salle. Pourquoi ne lui avait-elle par parlé plus tôt ? Il avait eu un mouvement de rejet quand elle s'était adressée à lui dans sa langue maternelle. Si elle l'avait fait avant qu'il ne la déshabille, elle n'aurait pas subit ses assauts. Mais elle n'avait rien dit, elle s'était tue. Peut être que finalement, elle avait voulu ce qui s'était passé, sinon comment expliquer ce qu'elle avait ressenti quand il s'était fait plus doux ? Elle ressenti du plaisir quand il avait posé sa bouche sur sa poitrine. Elle avait aimé ses caresses et elle ne savait comment elle aurait réagit s'il ne lui avait pas parlé en ces termes si dégradants.
L'eau était froide à présent et Marie frigorifiée. Elle coupa la douche et parvient à se relever. Elle se couvrit d'un peignoir et osa enfin affronter son reflet dans le miroir. Elle n'avait pas changé, elle était toujours la même. Ne serait-ce la fatigue, personne ne verrait ce qui lui était arrivé. Elle avait de grosses cernes noires sous les yeux. Une chape de plomb lui tomba soudain sur les épaules. La tension retombait. Elle avait besoin de dormir, d'oublier.
Epuisée, la jeune femme s'allongea dans le lit. Elle effleura, alors, sa bouche du bout des doigts. Avant de partir, il l'avait embrassée comme aucun n'homme ne l'avait encore jamais fait. Ses lèvres s'étaient faites douces et tendres. Ce baiser aurait pu être celui d'un amant, il était celui de son bourreau. Elle fut prise d'une nouvelle crise de larmes. Elle ne méritait pas ça. Elle n'aspirait qu'à une vie tranquille, un travail plaisant, un mari, une famille …
Que restait-il de ses rêves ? Fermant les yeux, elle fit apparaître l'image de la vie telle qu'elle l'idéalisait. Elle vit la maison ancienne et le lierre grimpant jusque sous le toit. Elle entendit les cris des enfants, ressentit la joie et l'amour d'un foyer. Comme à chaque fois, elle se dirigea vers une pièce qu'elle savait magnifique. Elle ouvrit la porte et entra dans la bibliothèque. Les rayonnages étaient pleins, un feu crépitait dans la cheminée. Elle savait qu'il était là. L'homme de ses rêves attendait dans un des fauteuils qu'elle vienne le rejoindre et se blottir contre lui. Alors il prendrait un livre et lui lirait à voix hautes quelques pages avant que détendue, elle ne s'endorme en sécurité entre ses bras.
Pourtant, il y avait quelque chose de différent aujourd'hui, son histoire ne dégageait pas la même impression que d'habitude. Et soudain, elle sut. En posant les yeux sur les mains de l'homme que la tenait blottie contre lui, elle vit les tatouages. Elle ne connaissait qu'un seul homme ainsi tatoué. Elle leva la tête vers lui et son regard croisa celui bleu acier de l'homme qui venait de la quitter.
Elle se réveilla dans un cri. Elle voulait qu'il sorte de sa tête, elle voulait qu'il sorte de sa vie !
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De son bureau Paul Drumont avait une vue magnifique sur Moscou. Si jusqu'à ce jour, il avait toujours pris du plaisir à laisser son regard vagabonder sur la capitale russe, le cœur n'y était plus. Sa fille chérie, sa Marie avait disparu. Personne ne l'avait vue depuis ce déjeuner avorté entre père et fille. Ce jour-là, il avait été retenu par un rendez qui s'était prolongé et était arrivé en retard à leur rendez-vous. Elle n'était déjà plus là. A sa place, il avait trouvé la carte publicitaire d'un restaurant londonien.
Il n'ignorait pas à qui appartenait cet établissement, ni même ce qu'il recelait. Marie était entre les mains de la plus puissante organisation mafieuse russe au monde. Il n'arrivait pas à comprendre les raisons pour lesquelles, ils l'avaient enlevée. Elle n'avait rien en commun avec les filles qui leur servaient habituellement de proies. Ils recrutaient leurs prostituées chez les très jeunes femmes en quête d'une vie meilleure, sans soutien, pauvres et isolées, pas chez les touristes, encore moins chez les filles de diplomates.
Cette carte devait vouloir dire quelque chose. Il était à peu prés certain que les ravisseurs avaient voulu lui laisser un message mais il était bien incapable de le déchiffrer. En attendant, Marie était certainement en route pour le Royaume-Uni. La pensée de la savoir dans une maison close, le terrifiait.
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Devon Finlay détestait les cirques. Il n'avait jamais compris le plaisir que l'on pouvait retirer à voir des chiens sauter dans des cerceaux ou des hommes risquer leur vie dans des numéros repoussant de plus en plus les limites de la gravité. Le pire, pour lui, était la ménagerie. Tous ces animaux malodorants lui donnaient mal au cœur. Ivanov le savait et avait certainement fait exprès de lui donner rendez-vous ici. L'homme était devant la cage de la panthère et comme elle, il semblait être aux aguets. Tel un félin, Nikolaï Ivanov était toujours sur ses gardes. Finlay ne se rappelait pas l'avoir vu détendu. Il s'approcha de lui.
- Pourquoi avoir appelé?
- De nouvelles filles sont arrivées aujourd'hui - lui répondit le russe - Il y avait une surprise dans le lot.
- Quel genre?
- Du genre française
- Merde! Qu'est-ce qu'elle fait là?
- Je n'en sais rien mais quelque chose me dit que sa présence n'est pas le fruit du hasard. J'essaierai de me renseigner. En attendant, je voudrais que tu vois de ton côté si un avis de recherche a été lancé.
- Quel est son nom?
- Je ne connais que son prénom. Elle s'appelle Marie. Elle m'arrive à peu prés au niveau des épaules, elle est brune. Elle doit avoir entre 25 et 30 ans. A mon avis, elle vient d'une famille aisée, elle a de l'éducation, elle parle au moins l'anglais couramment.
- C'est tout??
Nikolaï marqua un temps d'arrêt. Il tira nerveusement sur sa cigarette et la lança sur le sol avant de l'écraser.
- Elle a comme une ligne de grains de beauté sur le flanc gauche.
- Tu l'as déjà mise sur le marché? Merde une française! Comme si on avait déjà pas assez de mal à garder Scotland Yard loin de toi, maintenant, c'est Interpol qui va s'y mettre! Il ne faut absolument pas que les français apprennent que tu tiens une de leurs compatriotes !
Nikolaï ne lui répondait pas, Finlay se raidit d'appréhension. Il savait que son partenaire jouait depuis longtemps à l'équilibriste, qu'il pouvait à tout moment lâcher la corde. Ce qu'il entendit lui confirma ses pires soupçons.
- Je l'ai violé
- Putain Nikolaï!! Qu'est ce qui t'a pris?
- Je l'ai voulu.
- Tu ne me feras pas croire ça! Je te connais, tu n'es pas du genre à sauter sur ces filles
- A Rome, on vit comme les romains. Trouves qui elle est! Je veux savoir d'où elle vient et qui sont ses parents !!
- Quand tu le sauras, que feras-tu?
- La garder ou la tuer
Sans ajouter un mot, Nikolaï pris congé du policier. Cette Marie était comme une épine profondément plantée dans sa peau. Il ne parvenait pas à la chasser de son esprit. Il avait en tête son expression de détresse et dans les oreilles, son cri de douleur. Jusqu'à présent, il avait pris soin de rester à l'écart des filles qu'on lui ramenait mais il n'avait pas su la tenir hors de portée, il l'avait voulue et l'avait prise sans état d'âme. Depuis elle l'obsédait.
Finlay garda cette conversation longtemps en mémoire. Son ami l'inquiétait. Il marchait sur une corde raide, prêt à tomber. Devon savait qu'il était pour Nikolaï son seul lien avec la réalité. Tout les séparait, pourtant, ils étaient très liés. Si l'un était commissaire, marié et père de famille, l'autre s'était enfermé dans une solitude de plus en plus profonde à mesure qu'il grimpait les échelons de la mafia.
Nikolaï était arrivé de Moscou dix ans plus tôt. A 35 ans, il avait passé la majeure partie de sa vie en prison ainsi que l'attestaient les nombreuses marques sur son corps. Il y avait fait son premier séjour à l'âge de 15 ans, et ce qu'il y avait vécut l'avait tellement marqué qu'il avait accepté d'entrer dans ce qui était encore à l'époque le KGB. Devon n'avait jamais su ce qui avait conduit son ami à faire ce choix, son dossier n'en parlait pas. Grâce aux contacts qu'il s'était fait lors de ses diverses incarcérations, Kolia avait rencontré Pavel et s'en était fait apprécier.
Pavel était un de ces hommes inconscients et sadique nécessitant une attention constante. Très vite Nikolaï avait su se rendre indispensable et lorsque le jeune chien fou était rentré en Angleterre à la demande de son père, il avait emmené son nouvel ami. Nul ne savait quelles étaient réellement les relations entre les deux hommes et Devon qui n'était pas du genre à se mettre volontairement en danger, s'était toujours bien gardé de le lui demander.
Le dévouement de Nikolaï pour son métier n'avait jusqu'ici faibli qu'une seule fois. En Angleterre depuis quelques mois, il avait rencontré Anna. Celle-ci était la fille d'un restaurateur, elle était belle, blonde et très slave. Elle avait toujours le sourire aux lèvres et une attention pour ceux qu'elle rencontrait. L'amour de Kolia pour la demoiselle était entièrement réciproque. Ils avaient des projets et le jeune homme avait envisagé de tout quitté pour recommencer sa vie aux côtés de la femme qu'il aimait. Mais ses supérieurs ne l'avaient pas entendu de cette façon. Nikolaï était un élément indispensable dans la lutte contre le trafic de femmes auquel se livrait la mafia russe. On sacrifia la jeune russe. Une nuit, alors qu'elle venait de finir sa journée de son travail, elle fut enlevée. Nikolaï la chercha de longues semaines mais finit par céder au découragement. Anna avait été envoyé très loin de lui, trop loin.
Il sembla accepter son sort et devint encore plus déterminé à faire tomber Youri, le puissant père de Pavel. Quand il y parvint, il n'y avait pour lui plus aucun retour en arrière possible. Il dirigeait à présent la pègre tout en la sabordant de l'intérieur. Malheureusement, Anna avait emmené son âme en disparaissant et Nikolaï tel un damné commençait à devenir comme ceux contre lesquels il était sensé lutter. Récemment, Devon avait retrouvé la trace de la jeune femme. Elle était mariée avec un américain et mère de famille. Elle semblait heureuse. Quand il l'avait révélé à son ami, rien dans son expression n'avait donné le moindre signe de mécontentement ou de soulagement. Nikolaï était resté impassible. Nikolaï était devenu un maître de l'impassibilité. Mais aujourd'hui, tout avait changé, l'homme avait pris le pas sur la machine. Il avait commis l'impardonnable et s'en était pris à une jeune innocente. Devon ne pouvait ni ne devait cautionner un tel agissement.
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